Ecole Bialik-Rogozin : la fabrique de nouveaux Israéliens.

L’école primaire publique Bialik-Rogozin située dans un quartier pauvre de Tel Aviv, reçoit 900 enfants originaires de 54 pays. Ce sont des enfants de familles venues du Darfour, du Sud-Soudan, d’Erythrée, ou de familles accueillies comme migrants temporaires. Beaucoup de ces familles sont illégales soit parce qu’elles ont franchi la frontière clandestinement, soit parce que leur permis de séjour a expiré. Beaucoup de ces enfants vivent au sein de familles monoparentales. On trouve également des enfants de familles arabes venues des territoires palestiniens, exfiltrées par le gouvernement après avoir collaboré avec Israël et rejetées par leur communauté.
Alors que les écoles primaires fonctionnent généralement de 8 heures à 13 heures, celle-ci ouvre à 7 heures et ne ferme ses portes qu’après 19 heures. Car après les cours, ce sont les parents qui sont accueillis pour apprendre la langue, l’histoire, la culture du pays.
« Les enfants sont tous traumatisés, nous racontent Mirit, l’ajointe du principal. Certains ont vu leurs parents tués sous leurs yeux lors de la traversée du Sinaï. Ici, on essaie de faire en sorte que chacun puisse réussir dans au moins un domaine. Ça peut être le sport, la danse, le dessin ou la gentillesse, peu importe, il est essentiel que chacun puisse croire en lui. C’est pourquoi ils reçoivent tous au moins deux heures de musique par semaine et deux heures de sport. L’école fonctionne avec beaucoup de bénévoles. Ce sont eux par exemple, qui prennent les enfants pour des cours particuliers, à la demande du professeur ou des thérapeutes.
Pour fonctionner, l’école, en plus des dotations de l’Etat et de la municipalité, reçoit beaucoup de dons. C’est ce qui permet notamment à chaque élève de recevoir le repas de midi. A la cantine, on trouve au moins un adulte pour 4 élèves. Certains enfants ne savent pas tenir une fourchette ou couper les aliments. En échange de ce qu’ils reçoivent, ils doivent donner au moins deux heures chaque semaine à l’école, en nettoyant les locaux, en lavant les vitres, en rangeant les tables et les chaises et même en parlant aux personnes âgées du quartier. « Chacun doit prendre conscience que cette école, c’est sa seconde maison, qu’il doit participer à son entretien. Il est ici chez lui, aussi essentiel qu’il l’est dans sa propre famille» nous explique Mirit.
Le taux de réussite à la fin de la scolarité est de 96%. Un taux parmi parmi les plus élevés en Israël. A la fin de leur passage par l’école Bialik-Rogozin les enfants connaissent tout de la société israélienne, ils parlent parfaitement hébreu et se sentent pleinement israéliens. « Cette réussite, nous la devons à l’implication de toute une partie de la société qui nous soutient et nous aide dans notre action quotidienne », résume Mirit. L’école est aussi connue pour l’implication de ses professeurs, qui choisissent tous de venir travailler ici et pour les liens qui s’établissent entre le professeur et l’élève et entre les élèves eux-mêmes.
La police est interdite dans l’établissement, où l’entrée est constamment gardée. Mais il arrive que les autorités ordonnent l’expulsion de familles illégales. L’ensemble de l’équipe de l’école se met alors en mouvement pour déclencher une protestation collective qui retentit dans les médias.
L’école a fait l’objet du documentaire « Strangers no more » tourné par la chaine HBO durant toute l’année 2010 et qui a remporté un oscar à Hollywood l’année suivante. « Cette récompense a insufflé un sentiment de fierté et de joie aussi bien parmi les élèves que parmi l’équipe enseignante, raconte Mirit, mais ça n’a pas arrêté les décisions d’expulsion ».
Le nombre de migrants illégaux vivant en Israël est estimé à 50 000. La plupart vivent à Tel Aviv, dans le quartier de la gare centrale de bus, où ils débarquent depuis le Sinaï. La rue Théodore Herzl qui traverse le quartier est aujourd’hui parcourue par une population majoritairement africaine qui ouvre des églises dans les arrière-cours des immeubles défraîchis avec des pancartes annonçant un service de Shabbat, ce qui veut dire la messe du samedi.